1 + 1 = 0

Une bombe. Un mort. Et tout un monde qui s'écroule.

Une multitude de scénarios catastrophe dépeints d'une manière qui manque tant d'originalité et de couleurs que l'on a l'impression d'être revenus aux temps de la télé en noir et blanc.
Que croyaient-ils? Que croyait-on? Voilà plus de deux mois que le Monde Arabe entier est en pleine révolte.  Voilà plus de deux mois que des gouvernements tombent.  Voilà plus de deux mois que le peuple est dans la rue.  Voilà plus de deux mois que les morgues se remplissent.  Voilà plus de deux mois que les peuples ont décidé de ne plus se taire.  Deux mois qu'ils se battent contre les pouvoirs imposés parce que, simplement, le peuple en a marre. 
Marre de n'être des moins-que-riens dont ni l'opinion, ni même la vie n'ait une valeur quelconque.  Marre d'avoir peur. Marre de se taire.  Marre de se soumettre. Marre d'un avenir sans horizon, ou si restreint qu'il ne dépassera jamais le seuil de leur imaginaire.  ... Si tant est que le peuple en question puisse encore se permettre le luxe de posséder un imaginaire, denrée extrêmement rare et dangereuse lorsque l'on vit dans un pays où il est formellement interdit de rêver.
Le peuple a rugi.  De la Tunisie aux pays du Golfe, le peuple rue.
Et partout, leur combat est médiatisé, supporté de manière plus ou moins ouverte par les différents gouvernements - certes, après moultes bégaiements et hésitations  notoires - et par les divers services de presse internationale qui, bien qu'en crise, ne lamine pas sur les frais et envoient reporters sur reporters.  Ça vend bien les révolutions.  Ça plaît les révoltes, surtout quand elles sont "bien loin de chez nous", qu'on peut les voir confortablement calés dans nos fauteuils, et les commenter impunément sur twitter ou facebook.  Au pire des cas, un collègue ne nous adressera plus la parole.  Dans les cas meilleurs, ce sera belle-maman qui refusera de nous inviter déjeuner dimanche midi.
Les grands oubliés de ces Révolutions sont les Palestiniens.  Après des années à la Une, ils n'arrivent même plus dans les 'gros titres' de l'actualité.  Souvent, ils ne sont même plus mentionnés du tout.  Même la tentative de Révolution du 15 Mars n'a rien donné si ce n'est quelques lignes dérisoires, si vite lues qu'oubliées.  
Non, cela ne pouvait pas durer.  Malgré les tentatives de bâillonnement du Hamas et celles de Tsahal, le peuple palestinien en a marre lui aussi.  Marre du Hamas, marre de la corruption au sein de son pseudo-gouvernement et, bien sûr, marre aussi de l'Occupation et des abus quotidiens qu'elle comporte.  Il a donc utilisé la manière la plus abjecte qu'il soit que pour faire entendre sa voix: le terrorisme.  Le responsable de l'attentat d'hier n'est pas encore connu au moment où j'écris ces lignes.  Le Jihad Islamiste est soupçonné d'avoir commandité l'attentat.  Peu importe.  Que ce soit eux, ou un acte solitaire, les règles du jeu ont changé.  Et le désarroi Occidental face à ces masses de gens qui se soulèvent contre l'ordre établi n'aurait pu être plus apparent que dans ce commentaire d'un journaliste de Reuters qui n'a pas osé qualifier l'attentat de terroriste ("Selon la Police [israélienne], il s'agit d'un "attentat terroriste" -- le terme utilisé en Israël pour une attaque palestinienne").  Si cette dépêche a fâché un bon nombre de gens et en a choqué bien d'autres, elle reflète parfaitement le Dédale dans lequel l'Occident s'enfonce depuis qu'il ne contrôle plus tout à fait les règles du jeu.

Deux remarques importantes sont à faire au sujet de l'attentat:
Commençons donc par revenir sur le terme terrorisme et sur l'ampleur du problème causé par le manque de définition universelle du phénomène.    S'il existe des centaines de définitions différentes du terrorisme, il n'y en pas une qui soit acceptée par tous les peuples.   Les terroristes des uns sont les combattants de la liberté des autres.  Voilà, en partie la raison pour laquelle Crispian Blamer n'a pas osé ou voulu reprendre le terme dans son article.  Article qui, soit dit en passant n'est en rien dérogatoire envers Israël et qui contrairement à d'autres, parvient à rester, somme toute, assez objectif.  Blamer, le Chef de Bureau de Reuters dans la région n'a certainement pas plus de sympathies pour le Hamas qu'il en a pour Israël.  (Un de ses derniers rapports concernait l'attaque du Hamas dans les bureaux de l'agence Reuters à Gaza samedi dernier. Un des collègues de Blamer a été frappé avec une barre de fer, alors qu'un autre a été menacé de défenestration.)  Blamer, est sans doute pour le peuple, contre les gouvernements. Quels qu'ils soient.
Comment donc faire la part des choses? Comment comprendre et/ou accepter la différence entre des Palestiniens qui manifestent et se font "tirer dessus" par la force occupante et ces dizaines de milliers de civils des pays alentours qui eux aussi manifestent, exigeant les têtes de leurs chefs, un changement de régime, et sont prêts à se battre, voire se sacrifier pour occasionner ce changement?  Pourquoi qualifier les actes uns de terroristes et ceux des autres non?  La réponse est assez simple et se trouve dans le récipient de ces actes de terreur.  Une attaque contre des civils non armés ayant pour but de les blesser et/ou tuer est un acte terroriste.  Au même titre que le sont les attaques dans les marché en Iraq, sur une école au Pakistan, sur une église en Egypte. 
Par contre une attaque contre des forces de l'armée d'un gouvernement réprimant de manière violente des manifestants aux régime en place ne constitue pas un acte terroriste.  Le problème se corse lorsque la cible appartient au gouvernement, mais occasionne des "dégâts collatéraux" .  Jusqu'à combien de ces "dégâts" peut-on aller avant de crier a l'attentat, à la terreur.  Un soldat parmi un foule, un sniper dans un bâtiment habité …  jusqu'où compter les dégâts collatéraux?
Ce n'était pas le cas à Jérusalem.  C'était bien un acte terroriste, dont le but est de semer la terreur  parmi une population visée.  La bombe à Jérusalem hier n'a peut-être causé la mort "que d'une personne", mais elle a suffit pour terroriser la population israélienne  tout entière, qui ne se remet pas, ou difficilement, des vagues de terrorisme et d'attentats de la dernière décennie. Cette bombe a un effet bien plus terrorisant que les quelques 80-100 rockets qui ont été envoyés de Gaza pour exploser dans des villes israéliennes cette dernière semaine.  L'attentat, le premier depuis 2005, a causé la mort d'une personne, mais il empêchera des centaines d'autres de prendre les transports publics dans les jours, semaines qui suivent, alors que la seule année 2009 a vu 370 personnes perdre la vie des suites d'accidents de la route.

La deuxième chose qui marquante dans cet attentat et qui est loin d'être anodine, c'est que cet attentat n'a pas été commis par une 'bombe humaine'.  Ces bombes humaines qui ont terrorisé la population israélienne, et tant d'autres, semblent perdre du terrain.  La 'mode' de ce que l'Occident aimait appeler les 'fous de Dieu' serait-elle passée?  Affliger les terroristes de fous rendaient la chose bien simple aux gouvernements occidentaux.  Si ce sont des fous d'Allah, qui sont "capables de se faire exploser dans le seul but d'atteindre le Paradis et ses 72 vierges",  et n'ont aucun respect pour leurs vies même ou celles de leurs enfants, il n'y pas d'interlocuteur possible et donc la seule réplique adéquate est la force, décapitant du même coup toute demande ou justification politique qui auraient pu émaner des terroristes.  Sans le facteur suicidaire, cette théorie s'effondre.  Ce qui m'intrigue, c'est la raison pour laquelle ce facteur a disparu.  Vu les nombreux avantages 'techniques' et tactiques qu'ont les bombes humaines (entre autres, ; possibilité de trouver le "meilleur" emplacement/moment; pas besoin de plan de fuite; pas besoin de complice; peu ou pas de chance de capture; effets psychologiques secondaires assurés, il y a une dimension encore plus terrifiante dans le fait qu'une personne est capable de se faire exploser afin d'en tuer d'autres, effet multiplié lorsqu'il s'agit d'une femme), quelle peut être la raison de ce changement? Planifié c'est désormais certain car la bombe a été placée dans une valise, il ne peut donc s'agir d'un haut-le-cœur de dernière minute.  S'il est clair depuis un certain temps déjà que la religion n'a jamais été utilisée qu'à des fins d'un douteux rassemblement politique mais n'a jamais été le point fort de toutes ces organisations, (mis à part quelques lignes triées par des leaders peu scrupuleux, les connaissances théologiques de ces 'fous de Dieu' sont minimes) , a-t-elle été reléguée au second plan?  Sans doute non.  Car elle reste un facteur trop puissant et trop attirant pour nombre d'adeptes, mais ce qui est désormais sûr, c'est qu'un changement est en train de se créer au sein des organisations terroristes, au même titre que dans le reste de la région.  Il y a fort à parier qu'elles ont été aussi surprises que les gouvernements visés, par l'ampleur du  mécontentement des populations diverses et par leur détermination d'y mettre fin, quitte à le faire sans plan et sans leaders.
Le Monde change et l'Occident ne suit pas.  Autre preuve de ces bégaiements visibles à l'ONU, causant une incapacité à réagir de manière unie, comme le voudrait le nom de l'organisation, suivis de près par les tribulations inter-étatiques au sein de l'OTAN qui devrait reprendre les opérations en Lybie.  "L’Otan planifiera donc probablement les différentes missions dans le ciel libyen, mais chaque pays conservera le commandement opérationnel de ses forces. Et restera donc libre de définir ses cibles." (LVDPG - Presse Gabonaise & Internationale)

Non, 1 + 1 ne fait plus nécessairement 2, ce qui n'est pas sans nous rappeller que les chiffres nous viennent du Moyen Orient, chiffres qui commencent à devenir lourd, en pétro-dollars pour les uns, mais surtout, en vies humaines pour tant d'autres.  



Comments

  1. Alex, I read this with Google Translate in English. Wow! What a fine writer you are! You bring up the excellent point on the need to universally define terrorism. What a world we live in today...

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  2. "Homo homini lupus, foemina foeminae lupior, sacerdos sacerdoti lupissimus". (A. Gramsci)
    Dear Alex, yr article is so full of goop points and insights. Stunning. Unfortunately, we needed a tsunami to sit back and wonder about the dangers of the atom. We need a bomb to remind ourselves that there's a war. Tath we can die. But then..we switch the telly on and.. everything's soon forgotten.

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