LE TÉMOIN



Quand il n'y a plus personne à qui parler
Quand il ne reste plus personne pour écouter
Quand ni l'alcool, ni même les drogues ne font plus d'effets
Quand le silence est sur le point d'éclater
Heureusement qu'il reste la feuille de papier blanc
Prête à être sacrifiée et barbouillée d'encre sombre
Quand la musique perd de sa magie et devient monocorde
Quand se nourrir devient un fardeau de plus
Quand son corps devient une masse en mode de survie
Quand n'apparaît même plus le souvenir de l'amour
Quand les films ne sont plus qu'un amalgame de sons et d'images disparates
Quand la vie commence à faire cruellement défaut
Quand à défaut d'être, on se met à faire, automatiquement
Quand à défaut de sentir on se contente d'inhaler et d'exhaler
Quand plus rien n'a de sens
Heureusement qu'il y a la feuille blanche
Prête à se travestir, à devenir la prostituée de nos sentiments égarés
Quand la haine devient omniprésente sur nos écrans
Quand nos écrans de protection perdent leur efficacité
Quand la politique et l'économique promettent de tout rayer
Quand le monde promet d'odieux futurs
Heureusement qu'il reste un bout de papier, même mâché
Sur lequel quelques gouttes d'encre ou de sang peuvent changer la donne,
Peuvent écrire une autre histoire, à défaut de réécrire l'Histoire
Peuvent remonter le Temps ou le chevaucher et créer
Un univers multicolore, où la vie ne serait pas si monochrome
L'Été a suivi le Printemps pour faire place à l'Automne
L'Hiver s'approche, mais Vivaldi est mort
Seules quelques unes de ses notes parviennent encore aux oreilles consentantes
Silence, comme une chape de plomb, pas comme de l'Or
Et les bruits du silence qui narguent et suggèrent
Qu'il y a bien une vie dehors
Mais elle ne nous appartient plus
Papiers, lignés, à carreaux, lisses, colorés, autant de témoins
Silencieux de la Folie de l'Homme.




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