Il est Mort Demain
Lybie, 22 février 2011. Bains de sang dans les rues. Scènes cauchemardesques. Brutalité féroce. Corps déchiquetés. Corps carbonisés. Cris. Pleurs. Appels à l'aide. Appels au secours, cachés par le bruit des avions qui tirent sur la foule. Râles rendus inaudibles par les détonations des canons cherchant leurs victimes et le crépitement des baraques mises en feu.
Chaleur étouffante et suffocante des flammes sur ces corps déjà froids.
Texas, USA, 22 février 2011. Timothy Wayne Adams est exécuté. Il a tué son fils de 19 mois. Appréhendé, condamné, jugé. Il n'échappe pas aux systèmes de lois américaines. Il recevra une injection létale. En toute légalité. Un infanticide, ça ne se pardonne pas.
En Lybie, ce sont des centaines d'enfants qui sont morts, qui n'arrêtent pas de mourir, qui meurent encore à l'heure où ces lignes sont écrites. L'auteur de l'infanticide libyen: Ghaddafi. Ghaddafi, père de la nation. Ghaddafi, le 'Lion du Désert'.
S'il a échappé aux atteintes à sa vie jusqu'à présent, il n' échappe pas, à la théorie de l'évolution du règne animal dont il se veut le Roi. Selon cette théorie, l'infanticide serait courant lors d'une prise de pouvoir afin d'assurer ses assises et ses arrières. Sauf qu'ici, il ne s'agit pas de prise, mais bien de perte de pouvoir. Peu importe. C'est avec une brutalité animale qu'il essaye de faire taire la voix de ses enfants, qui réclament des amendements des lois, un parlement, une constitution, une fin à la corruption rampante, seule institution du pays.
En quelques jours seulement, Ghaddafi a tué des centaines de ses enfants .
Crime contre l'Humanité.
L'ONU de réunion en réunions d'urgence, ne semble pas trouver le mot juste et s'enfonce dans son silence.
L'Organisation de la Conférence Islamique condamne Qhaddafi et "appelle à un sérieux dialogue".
La Ligue Arabe "a décidé de suspendre ce pays de ses activités" et demande un arrêt de la violence.
L'Union Africaine ne réponds pas.
L'Union Européenne déplore les pertes de vie et condamne "les actes de violence".
Les Etats-Unis pensent sanctions. Les Européens vont leur emboîter le pas.
Comment ces sanctions rendront-elles justices à toutes ces âmes sectionnées, lorsque l'on sait que c'est le peuple qui en souffre le plus de ces sanctions, pas les dirigeants.
Les extrémistes du monde Arabe ont eux aussi jugé Ghaddafi. Là, il a reçu la peine la plus haute pour un Musulman. Une fatwa exigeant sa tête, accueillie par des cris de joie des internautes de toutes parts du monde: Il a tué, tuons-le.
S'il est vrai que la peine de mort fait partie des punitions d'après la Sharia, il est important de rappeler ici que demander la mort d'un Chef d'Etat Musulman est la mesure la plus extrême dans l'Islam. Mesure qui a été réinstaurée au 18ème siècle et sur laquelle se basent les extrémistes aujourd'hui.
… Je me laisse aller à une minute de réflexion et m'imagine, qu'au lieu d'avoir été exécuté TW Waynes ait été sanctionné … Un poids, deux mesures.
Ne trouvant pas de consolation dans la justice des hommes, face à la laideur si tristement humaine, face à la bassesse, face à la terreur, à la férocité abusive des dirigeants, le poète n'a qu'une arme, qu'un écu, qu'une voie pour s'élever de cette sordidité et élever sa voix au-dessus des fusils pour dénoncer les crimes: sa plume.
Mohamed Al-Faytoury est l'auteur d' Il est mort demain.
L'origine de Faytoury est aussi floue que sa date de naissance. Certains le disent Soudanais, ailleurs il est classé dans la section libyenne. Ce qui est sûr, c'est qu'il a du sang libyen qui coule dans ses veines. Et qu'il fait partie du groupe de ces "poètes-protestateurs", pratiquement inconnus dans le monde Occidental. A l'époque où il écrivait ces vers, sa rage était dirigée contre un autre oppresseur: l'Europe des Colonies. Cette même Europe qui de tracé en tracé ne se souvient même plus de la nationalité de ce poète, parmi d'autres, qu'elle se refuse de reconnaître. Cette même Europe que Ghaddafi a chassé de ses terres avant de reprendre le flambeau et devenir despote à son tour.
Lybie, Egypte, Soudan, protestations, rebellions, meurtres, prises de pouvoirs, pouvoirs abusifs. Révolution, coups d'etats, morts par centaine. Morts dans l'espoir de mieux vivre un jour.
J'aimerais dédier ce poème à tous ceux qui sont morts hier pour avoir osé croire à demain.
Il est Mort Demain
Il est mort
Aucune goutte de pluie ne s'est attristée
Aucun visage humain ne s'est assombri
La lune n'a pas survolé sa tombe de nuit
Aucun ver paresseux n'y a déployé son corps
Aucune pierre ne s'est fendue
Il est mort demain
cadavre sali
linceul oublié
tel un rêve...
le peuple s'est réveillé
et a traversé le champ des roses au crépuscule
comme un ouragan
il est mort
dans son âme noircie incendiée un passé de sang et de gibets suspendus
des cris de révolte dans les prisons
visages douloureux et fendillés des vieilles
bras tordus dressés comme des faucilles
yeux où plonge l'ombre des potences
ô mon fils
en quel lieu les soldats ont-ils emmené ton visage
pourquoi m'ont-ils privé de l'odeur de ta chemise ?
mon fils si beau dans l'éclat de sa jeunesse
marchait sur les élans des coeurs
le geôlier a cadenassé la porte de sa grande prison
une chaîne a rampé
et le fouet a enveloppé la nuit de lamentations
et toi mon père
reviendras-tu avant l'hiver ?
tu nous trouveras en pleurs
reviens-nous
ma mère mes soeurs et moi
nous bruissons de pleurs
reviens pour qu'on cesse de nous traiter de pauvres et d'orphelins
mon père est-il innocent
j'ai demandé tristement aux passants
pourquoi l'ont-ils ligoté avec des chaînes ?
ils ont baissé la tête
comme s'ils étaient tous prisonniers
ils ont cogné de nuit à la porte et sont entrés
qui êtes-vous ?
Que voulez-vous ?
Que portez-vous ?
Une fois son cadavre posé auprès du mur
J'ai scruté le visage des souvenirs
et séché mes pleurs avec les larmes des autres
demain le cortège de la faim passera par notre rue
verdissez les années de la disette
tombez ô pluie
noyez les champs de blé et de riz
noyez le fleuve
essuyez de votre main de cendre la tristesse des arbres
viendra un jour où les moissons seront à moi
à moi le ciel le monde et le cours du ruisseau
quand prendra fin la famine de la terre
et celle des humains
un jour aussi sombre aussi humide
qu'un long labyrinthe
il s'est réveillé
a secoué ses mains de la rigidité du cadavre...
et les mains qui racontaient les faucilles des champs
se prolongèrent palmiers plaintifs
dans ses yeux
il s'est écroulé par terre
dans un râle déchirant
et vit du mur de l'horizon descendre une corde
et un cadavre froid tomber dans la boue.
il est mort demain..long live demain
ReplyDeletehttp://www.agoravox.it/In-Libia-gridano-a-morte.html
ReplyDeletenot all Italians support Berlusconi